Dissertation sur la poésie (corpus d'auteur)
Oraison funèbre, épopée d’un héros disparu, plainte élégiaque : la mort comme sujet d’écriture interroge la parole sur les limites de son pouvoir. Comment faire revivre l’absent, célébrer sa mémoire, ou conserver le souvenir de la douleur de l’avoir perdu ? Si le cadavre est, comme le dit Bossuet, « ce qui n’a de nom dans aucune langue », le tombeau pourrait représenter ce qui fait barrage, ce qui retient. Par delà l’horreur de la mort, artistes et écrivains se sont efforcés de construire des tombeaux. On songe en effet à Malraux célébrant de ces mots l’entrée des cendres de Jean Moulin au Panthéon : « Entre ici Jean Moulin… ».
C’est assez dire que la parole ne prétend pas seulement accompagner vers la mort, mais aussi ouvrir un espace symbolique, presque mythologique.
Les quatre textes soumis à notre analyse sont tous des poèmes, deux d’entre eux relevant des formes de l’ode et du sonnet, les deux autres n’étant que des sections d’une oeuvre plus vaste. Cependant, le court texte préfaciel du poème d’Hugo, daté de la mort de
Théophile Gautier (1873) et dédié à celui-ci, paru dans le recueil éponyme Le Tombeau de
Théophile Gautier, nous permet de le situer, avec deux autres poèmes, « Le Tombeau d’Edgard Poe » de Mallarmé daté de 1876 et « Tombeau de Monsieur Aragon » de Jean
Ristat (1983), dans la tradition des « Tombeaux que les Poëtes du XVIème siècle élevaient à leurs morts illustres ». Le poème de Ronsard, daté de 1551, intitulé « Aux cendres de
Marguerite de Valois, Reine de Navarre », peut donc apparaître comme un hypotexte des autres poèmes.
La forme du tombeau, ou du moins, l’intention de dresser un tombeau, correspond d’abord à une situation d’énonciation particulière : à la différence de l’oraison funèbre où le
« je » qui déplore est un prédicateur religieux, où s’en donne l’ethos, le « je » est ici celui du poète qui célèbre ou qui regrette. D’où l’adoption par Ronsard, Hugo, Mallarmé, et Ristat de postures différentes. Si Hugo