Doit-on croire les rumeurs ?
Etudier les rumeurs expose à bien des déconvenues. Vous pensiez, à l'instar de l'auteur de cet article, que Walt Disney s'était fait cryogéniser à sa mort, dernier rêve d'immortalité d'un milliardaire excentrique. Il a eu un service funéraire tout ce qu'il y a de plus classique et le mot même de cryogénie lui était certainement inconnu, selon le témoignage de sa propre fille. Le fait qu'on puisse être assez tordu pour tourner des films où des êtres humains sont réellement mutilés et assassinés, pour le compte de voyeurs pervers richissimes, vous horrifie. Rassurez-vous, l'existence des snuff movies n'a, à ce jour, pas plus été prouvée que la présence d'extraterrestres autour de la base de Roswell.
Le plus déconcertant, quand on s'intéresse aux rumeurs, n'est pas tant que celles-ci soient vraies ou fausses. Comme le remarque le sociologue Pierre Lagrange, « rechercher le noyau de réalité revient à transformer ces histoires en énigmes policières et non à comprendre leurs véritables caractéristiques (1) ». Le plus troublant est que la croyance en des rumeurs n'est pas le privilège des naïfs, des crédules, bref, des autres. Elle nous concerne tous. Elle alimente les conversations et les représentations du peuple comme celles des élites, de la rue comme des instances du pouvoir. Par exemple, les rumeurs d'empoisonnement alimentaire circulent aussi par les canaux médicaux. C'est ainsi qu'un des tracts-canulars de la rumeur de Villejuif (dénommée ainsi parce que l'avertissement était censé venir de l'hôpital de cette ville), qui attribuait à une série d'additifs alimentaires une dangerosité plus ou moins mortelle, a été affiché par un médecin dans sa salle d'attente. Mieux, si le fait est avéré, c'est parce que ce tract avait été envoyé à plusieurs centaines de personnes par des