Du front à la guerre
I. Les origines et la victoire du front populaire
A. Les conséquences du 6 février
Une sorte de légende veut que le Front populaire soit né en réaction contre la tentative de coup d’État fasciste du 6 février 1934. De fait, le 9, le parti communiste manifeste, il y a des morts (plus vite oubliés que ceux du 6 !) et le 12 février son défilé d’une part, celui de la SFIO et de la CGT d’autre part, organisés sur le même parcours dans l’est de Paris, se fondent aux cris de « Unité ! ». Le Front populaire naîtrait ainsi… C’est faux. Non seulement parce que le 8 février n’est pas à proprement parler une tentative avortée de coup d’état fasciste ; ce qui compte en l’occurrence, c’est que c’est ainsi qu’il a été perçu à gauche et à l’extrême gauche. C’est faux parce qu’entre le 6 février et l’accord entre socialistes et communistes, qui n’est pas encore le Front populaire, de longs mois s’écoulent. N fait, le 9 février, le parti communiste a appelé à manifester pour montrer qu’il est seul à combattre sérieusement le fascisme. Le 12, il manifeste sur le même parcours que les socialistes pour pouvoir haranguer leurs militants, les attirer, les absorber, toujours en se présentant comme le seul adversaire du fascisme. La base socialiste a résisté au chant des sirènes et ce sont les militants communistes qui ont emboîté le pas aux socialistes : il y a bien une aspiration unitaire à la base, mais le Front populaire est un accord entre les directions, entre les appareils, et on est encore loin de cela à la mi-février 1934. Le parti communiste se considère toujours comme le seul parti représentant le prolétariat. Il adhère aux conceptions de l’Internationale Communiste, selon laquelle le capitalisme est entré dans une crise profonde qui ne peut que le mener à agresser l’URSS ; le parti doit donc se préparer à cette guerre en appliquant la tactique dite « classe contre classe », c’est-à-dire la lutte contre tout ce qui