Duras vice consul
ÉRIC LYSØE
Au Pays sans retour, le fief d’Ereshkigal,
Ishtar, fille de Sin, un jour voulut se rendre –
Un jour voulut se rendre Ishtar, fille de Sin –
En la demeure obscure, au Palais du Grand Lieu 1 ...
Ainsi commence le fameux récit akkadien de La Descente d’Ishtar aux enfers, à l’instant où la déesse de l’amour et de la guerre se prépare à visiter les territoires de l’Au-Delà. Les motifs invoqués pour le voyage varient selon les versions de la légende, mais ils sont dans tous les cas liés à un dieu de la fécondité agraire : Tammouz, l’amant d’Ishtar. Selon les uns, l’expédition se termine au désavantage du jeune homme, expédié ad patres pour y remplacer l’imprudente fille de la Lune. Selon les autres, l’entreprise de la déesse vise, au contraire, à ressusciter le bien-aimé, afin de lui faire passer la belle saison sur terre et ne le laisser rejoindre le séjour des morts que durant les mois d’hiver. C’est dire si ce cycle légendaire s’appuie sur le mythe à partir duquel les Mésopotamiens structurent le monde. Le Pays sans retour n’est rien d’autre cette région souterraine que traverse le soleil avant de réapparaître à l’Est, entre les monts Jumeaux.
1. Je traduis à partir des fragments publiés par Morris Jastrow dans The Religion of
Babylonia and Assyria, Boston, Ginn, 1898, p. 565-566.
2
Éric Lysøe
Tout comme les récits grecs centrés sur la figure de Déméter, la catabase akkadienne est donc d’abord une fable sur le rythme des heures, des jours et des saisons, dimension que confirme l’aventure d’Orphée, assez proche de celle d’Ishtar, par l’exaltation des pouvoirs de la musique. On s’en souvient en effet, les sons que le divin chantre tire de sa lyre non seulement charment tel ou tel monstre de l’Ailleurs, mais encore arrêtent la roue d’Ixion en faisant tomber le vent qui la propulse2. Jusque chez les poètes donc, le voyage aux enfers se trouve lié à la maîtrise des cycles du temps