découverte langage
Le neurologue Paul Broca a identifié une aire cérébrale qui, lorsqu’elle est lésée, entraîne une perte de la parole. En localisant ainsi une zone du langage, il ouvrait la voie à la localisation des fonctions cognitives.
Jean-Claude Dupont
J’offre 500 francs à celui qui m’apportera un exemple de lésion profonde des lobules antérieurs du cerveau sans lésion de la parole. » Le médecin Jean-Baptiste Bouillaud lance ce défi singulier en 1848 à l’Académie royale de médecine, après la discussion enflammée qui suit une de ses présentations de cas d’aphasie avec lésion cérébrale. Ce défi illustre le débat qui faisait alors rage parmi les médecins neurologues : les fonctions cérébrales sont-elles localisées dans des aires bien définies ou réparties dans le cerveau, lequel fonctionnerait comme un tout ? Les « localisationnistes » s’opposent alors aux « globalistes ». Le défi de Bouillaud sera relevé 13 ans plus tard par Paul Broca. On ne peut comprendre le caractère passionné du débat, un des plus fameux de l’histoire des neurosciences, et l’apport fondamental de Broca sur l’aphasie sans rappeler quelques éléments de l’histoire des rapports du cerveau et du langage.
Les pertes du langage sont décrites depuis l’Antiquité, puisque quelques cas se trouvent déjà dans les écrits d’Hippocrate. Grand expérimentateur, Galien sectionne les nerfs impliqués dans la production vocale, ce qui paralyse les muscles laryngés. Puisque ces muscles viennent du cerveau, pense-t-il, c’est que ce dernier est bien le siège d’une faculté vocale. Mais la voix n’est pas le langage. Au Moyen Âge, l’activité mentale est séparée en diverses fonctions, mais la faculté du langage n’y trouve pas sa place. Si le langage distingue bien l’homme des animaux, il a le même statut que le geste, celui d’un acte volontaire. Les troubles du langage peuvent donc résulter soit d’une paralysie de l’organe vocal, soit d’un trouble de « l’âme raisonnante » qui régit l’action