Le champ artistique proprement dit s'est constitué au XIXe siècle, dans un double mouvement de refus des déterminations usuelles et de quête identitaire. Zola critique d'art fut un acteur important de cette mutation symbolique et sociale et, comme on pouvait l'attendre des hommes de lettres les plus prometteurs, il a mis son talent de journaliste et d'écrivain au service de peintres, réalistes et naturalistes, bientôt « impressionnistes », qui, impliqués dans leurs recherches, acceptèrent avec reconnaissance les éloquents manifestes en faveur de la modernité. L'Œuvre, en 1886, ressuscite cette effervescence créatrice contrariée sous le Second Empire, mais témoigne aussi, avec le recul, des ambiguïtés de cette délégation discursive, des incompréhensions et des écarts entre les postures, celle de l'écrivain naturaliste et celle du peintre. Roman de l'échec, le quatorzième volume des Rougon-Macquart entérine la faillite de l'illusion artistique à travers le destin tragique de Claude Lantier, le grand peintre avorté, mais surtout victime expiatoire de l'élan vers l'absolu que chaque créateur doit apprendre à juguler, si l'on en croit les recommandations du romancier pédagogue. Le chapitre IX prépare le dénouement. Par un processus d'involution, le propos narratif se concentre sur le personnage de Claude, de plus en plus impliqué dans sa passion. Christine, qui incarne la vie, l'amour et le dévouement, tente d'inscrire sa présence dans l'acte créateur. Mais, tenue à l'écart, dépossédée, anéantie sous le poids d'un Art d'autant plus puissant qu'il est divinisé, elle incarne pour le lecteur un personnage expérimental, inscrit dans la fiction à la fois comme « sujet » et comme témoin. Il conviendra d'ailleurs dans un premier temps d'examiner les modalités de cette mise en scène actancielle par laquelle l'écrivain naturaliste gauchit les fonctions traditionnelles du personnage à des fins démonstratives. Mais le propos, qui mêle subtilement les points de vue dans un récit