En france, les frontières sociales et raciales sont à l’oeuvre
. L’autre en tant qu’autre n’existe qu’à partir du moment où il est défini à partir d’un soi. A un moment donné de l’histoire, l’autre peut être le juif ou le musulman, le Noir ou le Rom, le Tutsi ou le Ouighour. Bien sûr, il existe des différences de religion, de couleur, de culture, mais elles ne deviennent une altérité qu’à partir du moment où il s’agit d’affirmer une identité souvent pour des raisons purement stratégiques, par exemple pour prendre ou garder le pouvoir, pour justifier des inégalités ou des discriminations. Le protestant a pu représenter l’altérité à un moment de l’histoire française, le juif à un autre – et à chaque fois de la façon la plus violente – et plus tard être revendiqués comme appartenant à une identité alternativement pensée comme chrétienne ou judéo-chrétienne, et désormais opposée au monde musulman. Les Antillais appartiennent à la nation française, mais s’ils vivent dans des cités de banlieues, ils sont assimilés à des Africains et deviennent des Noirs. Il s’agit donc toujours de constructions sociales d’altérités.
. Quand on parle de frontières, on imagine les limites d’un territoire et souvent aussi d’une nation : la frontière sépare les Français des Italiens ou des Espagnols, mais en réalité, de manière beaucoup plus efficace, elle écarte ceux dont on ne veut pas. Ce n’est pas une question de distance ni même de culture, et un Maghrébin, dont l’histoire commune récente et la proximité sont plus grandes, est généralement plus indésirable qu’un Canadien. Donc ces frontières externes distinguent des nationaux (les Français) et des étrangers (qui ne sont pas tous traités de la même manière), ainsi que des autochtones (personnes nées en France) et des immigrés (personnes nées étrangères à l’étranger). Mais il est d’autres frontières, moins visibles, qui traversent le pays ou plus exactement qui traversent l’espace social : la frontière sépare alors des personnes,