Entretien avec jean pommerat
On me demande parfois d'expliquer mon rapport entre écriture de textes et mise en scène, et souvent je m'embrouille, du fait de mes réticences à me clarifier moi-même, et aussi parce que les termes eux-mêmes sont devenus suspects à mes yeux, ainsi que la distinction que l'ont fait entre les deux activités.
Je pense aujourd'hui qu'on ne devient vraiment auteur de théâtre qu'en mélangeant, voire en nouant très serré le travail de l'écriture du texte avec le travail de la mise en scène.
Je pense que c'est une erreur de concevoir ces deux plans, ces deux temps, comme naturellement séparés l'un de l'autre. On peut évidemment rendre distincts le travail du texte et celui de la mise en scène. Il est des circonstances où cela s'impose (la mort de l'auteur en est une assez valable), mais dire qu'il est naturel ou logique de séparer ces deux temps, ces deux espaces, me paraît une contre vérité.
C'est pourtant dans cette presque idéologie que j'ai baigné quand j'ai commencé à avoir la prétention d'écrire pour le théâtre : le fameux frottement dialectique entre un texte et un metteur en scène. J'ai souvent entendu dire même qu'un auteur ne saurait avoir la capacité de sortir de son texte, de prendre suffisamment de distance avec ce qu'il a écrit. Beaucoup de gens très sérieux disaient cela : un auteur ne peut avoir de la distance avec ce qu'il écrit. Ils sous-entendaient finalement que seul un spécialiste, un vrai praticien (de la scène), saurait en être capable. Comme en industrie, la division du travail et des techniques, la spécialisation seraient la clé de l'efficacité.
On prêtait à l'auteur, entre autres péchés, celui de complaisance à l'égard de son texte, l'auteur privilégierait son texte au détriment des autres aspects du spectacle. Il chercherait à mettre en valeur son texte, ne ferait reposer sa mise en scène que sur le texte. Bref cet auteur-là n'était vraiment pas malin.
Il était alors