Etre heureux sans être juste
Si le bonheur consiste non dans le fait d’être « heureux », chanceux, mais dans le fait d’être content, comme le soutient Descartes, alors le contentement durable, la béatitude, ne peut être acquis que par la maîtrise de soi-même : maîtrise grâce à la raison de nos désirs. Mais s’il faut mettre des limites à nos désirs pour être content, ne plus manquer de rien, cela implique par conséquent qu’il sera possible d’être juste, respectueux des biens des autres et de leur personne. Renoncer à satisfaire des désirs insatiables ou des désirs qui nous attachent à des choses qui ne dépendent pas complètement de nous, c’est nécessairement renoncer aux actes illégaux et immoraux par lesquels on cherchait à les accomplir. C’est renoncer à toute tentation d’ôter aux autres leur part, de les léser en quoi que ce soit. Le fait d’avoir l’âme tranquille (ataraxie), sans trouble, sans crainte est la condition du bonheur qui ici n’a plus rien à voir avec le bien-être matériel ou la satisfaction de nos multiples désirs, du plaisir que cela nous procure. Cette âme tranquille ne connaît donc plus la tentation d’être injuste. C’est même grâce à cela qu’on peut faire son devoir en toutes circonstances, parce qu’on ne se laisse pas influencer par toutes sortes de passions perturbatrices.
Mais c’est valable en un autre sens : c’est pour jouir de la tranquillité de l’âme qu’il faut pratiquer la justice, car respecter les lois, c’est s’éviter bien des soucis, des craintes et des ennuis, relatifs à une punition toujours possible et à la souffrance qui en résulte ; vivre moralement c’est aussi pouvoir jouir de l’approbation des autres et goûter aux plaisirs de l’amitié. Etre juste c’est donc avoir la conscience tranquille et vivre sans crainte. C’est encore éprouver une satisfaction morale à l’idée qu’on a fait son devoir.
On pourrait ajouter que le fait