Fiche de lecture - la fabrique des enarques
Introduction
L’Ecole Nationale d’Administration, symbole d’excellence, est un objet de controverses constant dans la classe politique française : tantôt décrié pour son élitisme suranné, tantôt décrit comme inadapté à l’évolution du cadre économique et social de notre pays, le « dossier ENA » refait régulièrement surface dans l’actualité. Il s’agit en outre d’un objet sociologique majeur, touchant à un certain nombre de problématiques - la socialisation de nos élites, leur reproduction sociale ou l’état de notre administration - auquel Jean-Michel Eymeri, éminent sociologue de l’administration et de l’action publique, a consacré un ouvrage fouillé et fort d’actualité : La Fabrique des énarques, publié en 2001. Au travers d’une enquête minutieuse, et d’un travail méthodologique de grande qualité (entretiens longs, documentation, nombreuses archives, observation directe en qualité d’ancien de Sciences Po, etc.), l’auteur tente de restituer tout un processus de socialisation avant et pendant la scolarité, ou plutôt la formation, à l’ENA. Selon JM Eymeri, les énarques se distinguent autant par leur « réussite de l’ENA », succès d’un processus de socialisation antérieure à leur entrée, que par leur « réussite à l’ENA » qui consiste en l’adoption de logiques propres, principalement par la conformation à un modèle. C’est donc en deux parties que se décline l’ouvrage, comme ces deux pans d’un même parcours.
I/ La réussite du concours, produit d'une socialisation antérieure
Dans son chapitre premier, « Quels pères, quels fils ? », l'auteur nuance une vision largement répandue et erronée selon laquelle il existerait une reproduction directe favorisant les enfants de hauts fonctionnaires : en effet, l'hérédité administrative a beaucoup reculé ; pis, les fils de hauts fonctionnaires ont des taux de réussite au concours inférieurs à ceux de la plupart des candidats issus de milieux favorisés . Pour autant, JM Eymeri