Formalisme russe
« La seule théorie qui se soit opposée au marxisme en Russie soviétique, dans les dernières années, est la théorie formaliste de l'art. Ce qui est paradoxal ici, c'est que le formalisme russe était étroitement lié au futurisme russe et que, lorsque celui-ci, du point de vue politique, capitula plus ou moins devant le communisme, le formalisme manifesta de toutes ses forces son opposition théorique au marxisme. » (Trotski, Littérature et révolution). Cela permet de comprendre l'importance qu'avait en Union soviétique, en 1924, l'école de critique littéraire baptisée « théorie formaliste » ou « formalisme ».
Dès 1920, Roman Jakobson avait transporté à Prague l'esprit des recherches formalistes ; il fondait, en 1926, le Cercle linguistique de Prague, d'où devait sortir le structuralisme linguistique.
> Origines
Le formalisme russe est né de deux cénacles littéraires : l'un, le Cercle moscovite de linguistique, qui se forma en 1915 à Moscou, à l'initiative de quelques étudiants, l'autre constitué à Saint-Pétersbourg et baptisé Société pour l'étude de la langue poétique, en abréviation Opoïaz. À Moscou le président du cercle était Roman Jakobson, un étudiant qui s'intéressait à l'éthnographie slave et à la philosophie du langage. À Pétersbourg, Victor Chklovski, Boris Eichenbaum. Il y avait deux communs dénominateurs à ces berceaux du formalisme : l'intérêt porté à la linguistique et l'enthousiasme pour la poésie moderne, tout particulièrement le futurisme. Ainsi, Jakobson et Chklovski étudiaient les métaphores de Maïakovski, les inventions verbales libres de Vélémir Khlebnikov, d'Alexandre Kroutchenykh ou de David Bourliouk. Eichenbaum et Victor Jirmunski se sentaient plus de penchant pour la poésie symboliste et akméiste : l'intimisme psychologique, la syntaxe rapide et parlée des vers d'Anna Akhmatova les attiraient plus que la poésie « transrationnelle » de Kroutchenykh.
> Une révolution méthodologique
Le formalisme marqua une