Fracture generationnelle
Pour la première fois depuis longtemps, les jeunes générations connaissent une entrée dans la vie adulte plus difficile que celle de leurs parents. Au-delà des inégalités socio-économiques, cela pose des problèmes concernant l’avenir du régime de protection sociale, fondé sur la solidarité entre générations.
Les générations sont-elles en passe de devenir une nouvelle clé de lecture des fractures centrales de la société française ? En tous cas, à l’heure où l’on peine à dessiner, en France comme ailleurs, le visage des sociétés nationales, et où l’analyse en termes de classes sociales est de moins en moins suffisante, les clivages liés à l’âge pourraient connaître un regain de vitalité dans les années à venir. Le monde social n’ignore pas, évidemment, que les différentes générations connaissent un destin social inégal – les récents événements de 2005 se sont chargés, au besoin, de le lui rappeler. Mais le tableau d’ensemble que dressent les chercheurs montre que l’on ne saisit généralement pas toute la portée de ces inégalités, qui se déploient, il est vrai, dans un contexte historique tout à fait particulier. Cette particularité de notre époque, c’est bien entendu l’exceptionnel destin social de la « génération 68 », comme l’a rappelé récemment le sociologue Louis Chauvel, l’un de ceux qui poussent le plus loin l’analyse en termes générationnels. Il met en évidence, dans deux articles les facteurs qui ont permis aux individus nés entre 1945 et 1955 de connaître un progrès sans précédent. La « génération 68 » succède à des générations qui ont connu des destins particulièrement dramatiques : la génération 1914 par exemple, celle de leurs parents, aura connu un début de vie active des plus difficiles dans le contexte de crise des années 1930, avant, surtout, de connaître les affres de la Seconde Guerre mondiale. Grandissant eux, pour la première fois depuis un siècle, en temps de paix, les