Genet et les palestiniens : la subversion de la politique orientaliste
La Subversion de la politique orientaliste S’il existe une œuvre dans laquelle les fils de la longue quête de la vie de Jean Genet se joignent c’est Un captif amoureux. Que nous insistions sur cette notion de « fil » car, s’il existe un lien constant qui traverse la vie et le travail de Genet, c’est son investigation théorique et littéraire du rapport entre les diverses façons dont opèrent l’image et la parole dans les médias et comment de telles opérations servent à nourrir une politique orientaliste. C’est à cette politique orientaliste, fondée sur le regard sur l’autre, que Genet attribue l’oppression raciale et institutionnalisée qui caractérise la politique du gouvernement français et qui, au sens plus large, sous-tend tout programme colonisateur avancé par la culture hégémonique. Or Genet s’évertue à explorer et réhabiliter dans sa dernière entreprise littéraire le fonctionnement de l’image en relation à la parole. Ainsi Un captif amoureux fonctionne comme une sorte de laboratoire théorique et pratique de ce que Ahdaf Soueif appelle « the poetics of the image »[1] pour Genet et qui représente la réalisation d’une dépolitisation du phénomène dit orientalisme. La culture hégémonique, en termes gramsciens, puise sa force dans une très longue tradition idéologique. De nombreux mythes fondateurs irriguent la pensée occidentale, modulant son rapport à l’altérité et à l’identité. Genet décrit les implications de cette idéologie sur sa propre formation éducative en France : [F]rom the time I was six until I was twelve or thirteen, the « East », and thus « Islam », was always presented in French schools as a kind of shadow of Christianity. I, as a little Frenchman, lived in the light. Everything that was Muslim was in the shadow [. . .]. (“Affirmation” 76)
C’est bien ce type de prosélytisme et de notion de supériorité concomitante...au coeur même de la politique orientaliste...que Genet trouve intolérable.