Gilles durand
« Folle du logis » pour Blaise Pascal, « maîtresse d’erreur et de fausseté » pour René Descartes…, la liste est longue des anathèmes lancés contre l’imagination. Gilbert Durand est parti du constat suivant : depuis ses origines, la civilisation occidentale dévalorise l’image. Une longue tradition philosophique, pédagogique et scientifique s’est voulue iconoclaste (qui « détruit » les images, ou tout au moins s’en méfie). Très tôt, la procédure efficace de recherche de la vérité se fonde sur une logique binaire : la dialectique (Socrate, Platon puis Aristote). Ne pouvant se réduire à un argument « vrai » ou « faux », l’image, au nom de la raison, est dévalorisée comme incertaine et ambiguë. La scolastique médiévale (Thomas d’Aquin), les débuts de la physique moderne (Galilée, Descartes) et le rationalisme classique, l’empirisme factuel (David Hume, Isaac Newton), etc. excluent progressivement l’imaginaire des procédures intellectuelles, pour le confondre avec le fantasme, le rêve, l’irrationnel ou le délire. Scientisme, positivisme, historicisme dévaluent totalement la pensée symbolique, le raisonnement par similitude.
Les formes et les lois de l’imaginaire
Parallèlement à cette consolidation d’une « pensée sans images » et à la domination technique et matérielle de l’Occident, les autres cultures du monde sont considérées comme « prélogiques », « primitives », « archaïques ». La « part maudite » est abandonnée au « sauvage », au poète, au mystique ou au fou. Pourtant, il y a bien eu en Occident des moments forts de résistance de l’imaginaire : l’art byzantin et ses images saintes, la