Guerre, paix et société
Texte publié dans : F. Rousseau (dir.), Guerres, paix et sociétés, 1911-1946, Neuilly, Atlande, 2004, p. 667-674.
Généalogie
Pour comprendre l’apparition, il y a dix ans, d’une nouvelle notion comme la "culture de guerre" proposée par Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, et dont il est aujourd'hui beaucoup question, il n’est pas inutile de reconstituer sa généalogie universitaire. En matière de recherche historique, en effet, la génération spontanée est rare et le cas de la "culture de guerre" est un bel exemple de continuité historienne. De l’histoire des relations internationales que pratiquait Pierre Renouvin à l’histoire politique de la France à laquelle se rattache son élève Jean-Jacques Becker, jusqu’à l’histoire culturelle dont se réclame l’élève de dernier, Stéphane Audoin-Rouzeau, cette continuité n’est pourtant pas évidente. Mais le sens actuel de la notion de "culture de guerre" s’éclaire singulièrement si l’on reconstitue les glissements successifs et l’évolution progressive des questions posées à la Grande Guerre par cette chaîne d’historiens, depuis l’entre-deux-guerres jusqu'à nos jours. Ces historiens ont notamment en commun la résistance qu'ils opposèrent ou qu'ils opposent encore à toutes les approches considérées comme "pacifistes" de la guerre, au sens où elles travestiraient la réalité du conflit au nom d'un idéal de paix. En l'occurrence, c'est surtout l'image des peuples victimes d'une boucherie déclenchée par les élites qui est visée. La notion de "culture de guerre" proposée par Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker correspond au moment où cette tradition historiographique se heurte de manière frontale au problème du témoignage de l'expérience combattante, ce que leurs prédécesseurs Pierre Renouvin et Jean-Jacques Becker avaient jusqu'ici évité.
L’histoire de la guerre telle que la pratiquait Pierre Renouvin était fort éloignée des objets de