Hegel, la belle âme en déchirements
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15 pages
La belle âme –die schöne Seele- rassemble un des derniers moments critiques du cheminement de la conscience, avant le saut dans le savoir absolu. Elle dépasse les formes de moralité des âmes actives analysées dans les premiers temps de la section. La belle âme comme bonne conscience vit la tension avec l'universel, mais se comprend encore comme bonne conscience, c'est à dire comme liberté du Soi à l’intérieur de soi-même. Cette universalité cherchée par la belle âme ici étudiée laisse ainsi place, dans la moralité, à des traits esthétiques qui teintent la jouissance du Divin. Ses traits restent ceux incarnés par les figures centrales de l'idéalisme allemand pré-hégélien. La conscience objective de la belle âme déployée ici fait écho aux articulations de Schiller, Novalis, Jacobi, Schelling et Schleiermacher. Elle se présente comme une évolution vis à vis de la critique du « moralisme » de Kant et Fichte dans une critique redoublée de l'idéalisme esthétique et religieux. Elle cherche alors à rejoindre la participation communautaire où le Soi de chacun fait relais avec le Soi universel. S’installe ici une critique de l'essence de la conscience morale -Gewissen- analysée jusqu'alors comme l'absolu de la conviction, la bonne conscience. Agir selon sa conviction comme belle âme, c'est ainsi agir dans le concret du Dasein, c'est rejoindre le Soi qui se sait absolu. Mais cet aspect moral où chacun, dans la communauté, agit selon l'inspiration de son cœur et selon son intuition, est encore loin du savoir absolu. Il laisse encore trace à un idéalisme subjectif qui néglige la nature objective et l'action concrète auquel la belle âme doit laisser place. Il laisse aussi trace à une prédominance de l'universel. Pour Hegel, ce mouvement dialectique doit conduire à sa propre philosophie comme moment de la réconciliation