« Légitimistes et orléanistes constituaient, (...) les deux grandes fractions du parti de l'ordre. Ce qui attachait ces fractions à leurs prétendants, et les opposait l'une à l'autre, n'était-ce pas autre chose que les fleurs de lis et le drapeau tricolore, la maison des Bourbons et la maison d'Orléans, nuances différentes du royalisme ? Sous les Bourbons, c'était la grande propriété foncière qui avait régné, avec ses prêtres et ses laquais. Sous les Orléans, c'étaient la haute finance, la grande industrie, le grand commerce, c'est-à-dire le capital, avec sa suite d'avocats, de professeurs et de beaux parleurs. (...) Ce qui, par conséquent, divisait entre elles les fractions, ce n'étaient pas de prétendus principes, c'étaient leurs conditions matérielles d'existence, deux espèces différentes de propriété, le vieil antagonisme entre la ville et la campagne, la rivalité entre le capital et la propriété foncière. Qu'en même temps de vieux souvenirs, des inimitiés personnelles, des craintes et des espérances, des préjugés et des illusions, des sympathies et des antipathies, des convictions, des articles de foi et des principes les aient liées à l'une ou l'autre maison royale, qui le nie ?
Sur les différentes formes de propriété, sur les conditions d'existence sociale, s'élève toute une superstructure d'impressions, d'illusions, de façons de penser et de conceptions philosophiques particulières. La classe tout entière les crée et les forme sur la base de ces conditions matérielles et des rapports sociaux correspondants. L'individu qui les reçoit par la tradition ou par l'éducation peut s'imaginer qu'elles constituent les véritables raisons déterminantes et le point de départ de son activité. Si les orléanistes, les légitimistes, si chaque fraction s'efforçait de se persuader elle-même et de persuader les autres qu'elles étaient séparées par leur attachement à leurs deux maisons royales, les faits montrèrent dans la suite que c'était bien plus la divergence de leurs