Keyns était-il libéral ?
Résumé :
Keynes est un économiste à part, singulier à de nombreux égards.
Pour le comprendre et appréhender son œuvre avec justesse, il faut sortir de la représentation usuelle qu’on en a — selon laquelle il apparaît comme le chantre d’un capitalisme d’Etat aux actions mécaniques et sans âme (une forme de néo-colbertisme). Il faut se souvenir de son radicalisme, mais aussi de son charisme et de son originalité : homme de science, homme d’Etat, spéculateur au flair incomparable, mais aussi amoureux éperdu de justice, de l’humanité, de la culture, de la langue, des arts et des lettres... Alors — et seulement alors — on peut comprendre qu’il est foncièrement libéral par certains côtés ; mais qu’il est aussi, sous d’autres angles, un ferme opposant à un certain libéralisme. Cette réflexion sur Keynes nous donnera l’occasion de vérifier que libéralisme et capitalisme sont bien deux choses distinctes, et que l’on peut, comme lui, être anti- libéral sans s’opposer nécessairement au capitalisme.
Introduction
Notre série de cours sur la Liberté nous a conduit, entre autres, à réfléchir au positionnement des économistes par rapport à cette notion, en interrogeant la doctrine qui domine globalement l’histoire de la pensée économique — la doctrine libérale. Je vous ai d’abord montré comment le libéralisme originel (du 18ème siècle) se comprend d’abord comme une utopie participant du projet global (politique, social et économique) de la philosophie des Lumières. Fabienne Dourson a ensuite montré comment, du 19ème siècle à aujourd’hui, le libéralisme a évolué et s’est diversifié en tendances distinctes, parfois