La bête humaine
Séverine : Elle est au centre du drame. Son portrait physique la présente comme séduisante : « Dans l’éclat de ses vingt-cinq ans, elle semblait grande, mince et très souple, grasse pourtant avec de petits os. Elle n’était point jolie d’abord, la face longue, la bouche forte, éclairée de dents admirables. Mais à la regarder, elle séduisait par le charme, l’étrangeté de ses larges yeux bleus, sous son épaisse chevelure noire » (p.33).
Cette femme-enfant, qui est également femme fatale, sans vraiment l’avoir voulu, déchaîne sur son passage les instincts de sexualité et de violence. Elle est un « instrument d’amour, instrument de mort » (p.58). Mais rien ne semble la marquer : « De l’affreux drame, elle avait simplement l’étonnement d’y avoir été mêlée ; de même qu’elle semblait être restée vierge et candide, au sortir des souillures de sa jeunesse » (p.328 ; même idée page 418).
Roubaud : C’est peut-être lui que les événements vont transformer le plus profondément. Employé et mari modèle, il ne semble guère, au début du roman, promis à un tragique destin. Plus âgé que Séverine (il a une quarantaine d’années), Roubaud porte sur son visage les signes de la violence et de la jalousie : « De taille moyenne, mais d’une extraordinaire vigueur, il se plaisait à sa personne, satisfait de sa tête un peu plate, au front bas, à la nuque épaisse, de sa face ronde et sanguine, éclairée de ses gros yeux vifs. Ses sourcils se rejoignaient, embroussaillant son front de la barre des jaloux » (p.31). Roubaud, qu’une rage jalouse avait conduit à l’assassinat de Grandmorin, en arrive, par peur d’être découvert, à pousser sa femme dans les bras d’un autre. Il semble d’ailleurs moins souffrir de l’infidélité physique de sa femme que de sa trahison : son ancienne complice l’a exclu de sa vie. La désunion s’est installée dans le couple, et, avec elle, l’ennui, le besoin qu’éprouve alors Roubaud de fuir son foyer où tout lui rappelle le drame. Aussi se