La conscience n’est qu’un réseau de communication entre hommes ; c’est en cette seule qualité qu’elle a été forcée de se développer : l’homme, qui vivait solitaire, en bête de proie, aurait pu s’en passer. Si nos actions, pensées, sentiments et mouvements parviennent, du moins en partie, à la surface de notre conscience, c’est le résultat d’une terrible nécessité qui a longtemps dominé l’homme, le plus menacé des animaux : il avait besoin de secours et de protection, besoin de son semblable, il était obligé de savoir dire ce besoin, de savoir se rendre intelligible ; et pour tout cela, en premier lieu, il fallait qu’il eût une conscience, qu’il sût lui-même ce qui lui manquait, qu’il sût ce qu’il sentait, qu’il sût ce qu’il pensait. Car, comme toute créature vivante, l’homme pense constamment, mais il l’ignore. La pensée qui devient consciente ne représente que la plus infime, la plus superficielle, la plus mauvaise, de tout ce qu’il pense : car il n’y a que cette pensée qui s’exprime en paroles, c’est à dire en signes d’échanges, ce qui révèle l’origine même de la conscience.
Corrigé de l’explication du texte :
Nietzsche, dans ce texte, reconstitue les origines de la conscience : elle rend possible la communication, elle-même exigée par la conservation de l'espèce. Cette « généalogie » de la conscience est manifestement polémique. Elle cherche à destituer la conscience de sa prétention à être une intériorité irréductible au corps et à la relation à autrui. C'est dans ce débat sur l'intériorité de la conscience qu'il faudra se placer pour mesurer tout l'intérêt philosophique de ce texte. La thèse du texte est énoncée dès la première ligne : « La conscience n'est qu'un réseau de communications entre hommes ». La suite du texte cherche à établir cette thèse portant sur l'essence de la conscience, en décrivant les origines de la conscience : si parmi toutes les pensées qui existent dans l'être vivant, quelques-unes viennent à la conscience, c'est pour