La disqualification sociale
En s’inscrivant dans cette perspective analytique, l’ouvrage La disqualification sociale, publié en 1991, se fondait sur une enquête réalisée à Saint-Brieuc en 1986-87, au cours d’une décennie marquée par une profonde transformation de la perception sociale de la pauvreté (Paugam, 1991). Ce que l’on a appelé la « nouvelle pauvreté » au milieu des années 1980 déconcertait par la désorganisation sociale qu’elle entraînait. Au cours de cette décennie, les services d’action sociale ont vu croître les demandes d’aide financière. Alors qu'ils avaient l’habitude d’intervenir auprès de familles jugées inadaptées, désignées comme « familles lourdes » ou « cas sociaux », les travailleurs sociaux ont vu arriver dans leurs services des jeunes sans ressources issus de familles jusque-là sans problèmes, des personnes refoulées du marché de l’emploi et progressivement précarisées. Autrement dit, la « nouvelle pauvreté » était en grande partie liée à l’érosion de la protection sociale pour des franges de plus en plus nombreuses de la population et non plus seulement d’ordre monétaire. Elle touchait le cœur même de l’intégration sociale, à savoir la stabilité de l’emploi. De ce fait, elle se traduisait le plus souvent par une pauvreté relationnelle, des problèmes de santé, des difficultés d’accès au