la plaine de verhaeren
Le pin des Landes
On ne voit, en passant par les Landes1 désertes,
Vrai Sahara français, poudré de sable blanc,
Surgir de l'herbe sèche et des flaques d'eaux vertes
D'autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc ;
Car pour lui dérober ses larmes de résine2,
L'homme, avare bourreau de la création,
Qui ne vit qu'aux dépens de ceux qu'il assassine,
Dans son tronc douloureux ouvre un large sillon !
Sans regretter son sang qui coule goutte à goutte,
Le pin verse son baume et sa sève qui bout,
Et se tient toujours droit sur le bord de la route,
Comme un soldat blessé qui veut mourir debout.
Le poète est ainsi dans les landes du monde ;
Lorsqu'il est sans blessure, il garde son trésor.
Il faut qu'il ait au cœur une entaille profonde
Pour épancher3 ses vers, divines larmes d'or !
Théophile Gautier, Espana, 1845.
Questions de compréhension :
1- Le poème est fondé sur une comparaison qui donne à voir une image romantique du poète. Expliquez.
2- Le texte met en scène une opposition entre le paysage naturel et le pin. Quelle conception
1 Lande : Nom propre désignant une région française. Comme nom propre, une lande est une étendue de terre non cultivable. 2 Résigne : Sécrétion obtenue par incision du tronc de certains arbres.
3 Epancher : Ce verbe qui signifiait étymologiquement « faire couler » signifie en français moderne « communiquer généreusement, sans retenue ».
de la création poétique se dégage de cette opposition?
Question de cours :
En quoi le romantisme est-il indissociable de son contexte historique et social?