La puglia
Philippe STEINER Sociologue, Université Paris - Sorbonne philippe.steiner@paris-sorbonne.fr
La transplantation d’organes est l’une des avancées médicales majeures de la deuxième moitié du 20e siècle. Cette thérapeutique a désormais atteint un haut niveau d’efficacité tout en étant freinée par le trop faible nombre de greffons disponibles pour les chirurgiens et leurs malades. Dans le cadre de cette présentation, après un rappel de quelques données structurantes de l’activité actuelle de la transplantation tirées des cas américains et français, l’accent va d’abord être placé sur la commune humanité sur laquelle repose l’acte de la greffe humaine. Mais cette commune humanité comporte des limites qui introduisent des inégalités dans l’accès à la thérapeutique. Au-delà de ces inégalités, les débats induits par le manque d’organes à transplanter donnent une place particulière aux inégalités socio-économiques une fois celles-ci couplées à cette commune humanité. Dans la dernière partie, on met donc l’accent sur le fait que les propositions de création de marchés d’organes à transplanter supposent d’utiliser les inégalités pour que certains se présentent comme offreur de leurs organes (les reins essentiellement). 1. La transplantation d’organes aujourd’hui
La transplantation est une thérapeutique récente dont on peut fixer l’origine aux premières greffes rénales que David Hume pratiqua à l’hôpital général de l’Université de Harvard à partir de 1951. À l’époque, il s’agissait d’une thérapeutique expérimentale, une de celle que l’on « offrait » aux patients quand plus rien d’autre ne pouvait être tenté. Ces tentatives échouèrent régulièrement jusqu’à la greffe de rein entre deux jumeaux homozygotes (ils ont exactement les mêmes caractéristiques
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génétiques) que réalisa Joseph Murray, futur prix Nobel de médecine, avec l’aide de Francis Moore. Une fois ce premier succès acquis, les