La question prioritaire de constitutionnalité
Il existe en France une tradition presque séculaire de contrôle de constitutionnalité. Dès le X° siècle, le Royaume des Francs possède des règles de dévolution et de statut de la Couronne, qui organisent la fonction royale en une Constitution coutumière. Devant ces Lois du Royaume, tous doivent se soumettre, même le Roi. C'est ainsi que le 4 septembre 1715 le testament de Louis XIV, jugé contraire aux Lois Fondamentales, fut cassé par le Parlement de Paris.
A la suite de la Révolution, le contrôle de constitutionnalité tombe en désuétude. Les conceptions de Rousseau et des autres philosophes des lumières font de la Loi la norme suprême, car issue du peuple, et tout contrôle sur elle est donc impensable. Elle est jugée sacrée en tant qu'"expression de la volonté générale" selon l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Si ce n'était pas suffisant, la crainte d'un gouvernement des juges aurait éloigné toute volonté de contraindre la Loi.
Cependant, le contrôle de Constitutionnalité connaît un renouveau Outre-Atlantique. Avec l'arrêt Marbury vs. Madison en 1803, la Cour Suprême des Etats-Unis d'Amérique se reconnaît le droit de se saisir seule et d'apprécier la conformité des lois fédérales à la Constitution. Ce contrôle a posteriori et par voie d'exception, extension des pouvoirs de la Cour qui n'avait absolument pas été prévue par les Pères Fondateurs, prouva son efficacité pendant les deux siècles qui suivirent. Elle devint même un modèle rayonnant qui n'échappa pas Hans Kelsen lorsqu'il contribua à l'instauration de la Haute Cour Constitutionnelle d'Autriche en 1920.
Aussi, à l'aube de la V° République, le contrôle de constitutionnalité était devenu un élément nécessaire à la constitution d'un Etat de Droit. Malgré la crainte d'un gouvernement des juges, les réticences françaises originelles plièrent. Cependant, la Constitution de 1958 ne laissa qu'une place réduite au