La raison
Cependant n'y a-t-il pas quelques exagération à sacraliser ainsi la raison, jusqu'au point où il semblerait presque illégitime de s'opposer à elle.
Ne peut-on trouver des arguments pour s'opposer à cette sacralisation ?
En simplifiant la problématique, je dirai que le projet des Lumières, ainsi que l'on appelle la grande révolution philosophique du XVIIIème siècle en Europe, a été de fonder la pensée humaine sur une dynamique de recherche, dans laquelle aucun Absolu, avec une majuscule (comme dans Dieu) ne devait constituer d'a-priori. L'humanisme et la science s'y trouvent indissociablement liées par la notion de progrès, c'est à dire l'avancée commune de la compréhension rationnelle de l'univers et du confort moral et matériel de la société des hommes. Dans ce contexte (1), l'intelligence se confond avec la rationalité, et le terme "irrationnel" est à peu-près équivalent à "fou" ou "stupide", en ce sens que démontrer l'irrationalité d'une proposition revient à en démontrer la fausseté. Nous sommes alors dans le règne de la Raison, avec une majuscule. Il n'est pas question ici de nier la validité de la démarche scientifique, mais de noter que dans sa lutte contre l'obscurantisme religieux la philosophie des Lumières a hérité d'une majuscule, et qu'il y a là une contradiction flagrante. La Raison devient un Absolu, et le respect du processus scientifique se rigidifie en son adoration, établissant une nouvelle divinité à la place de l'ancienne. Il semble ainsi difficile de s'opposer à cette forme de la raison. Quelques