La séduction dans la littérature
MICHEL LAXENAIRE
Il n’est jamais inutile de commencer par une définition. Séduction vient du latin se ducere, qui signifie conduire à l’écart ou amener à soi. Séduire, c’est tirer quelqu’un à l’écart du groupe avec lequel il se confondait, le sélectionner, le persuader qu’il est unique, remarquable, et qu’il a été remarqué. Ceci dit, la séduction opère de deux façons différentes, voire opposées : de façon active, quand une personne cherche à s’imposer à une autre par des moyens qui vont de la manipulation violente à la persuasion douce ; de façon passive, quand quelqu’un cherche à attirer une personne vers soi ou, comme le dit le langage populaire, à « la prendre dans ses filets ». La manière active est qualifiée de virile, la seconde de féminine. Séducteur d’un côté, séductrice de l’autre. A priori, on pourrait penser que les deux positions sont également représentées, mais, lorsqu’on cherche des exemples de séduction dans les œuvres littéraires, on trouve essentiellement des séducteurs masculins : Don Juan, Casanova, Valmont, Julien Sorel, viennent tout de suite à l’esprit, alors qu’il est beaucoup plus difficile de dresser une liste comparable de séductrices ayant laissé des noms aussi connus. Une exception peut-être serait Carmen, mais Carmen n’est pas un prototype de séduction féminine. Elle diffère des autres femmes en ce qu’elle entend mener sa vie amoureuse comme un homme. « Si tu ne m’aimes pas, je t’aime et si je t’aime, prends garde à toi »,
DIALOGUE - Recherches cliniques et sociologiques sur le couple et la famille - 2004, 2e trimestre
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Dialogue 164
son air le plus célèbre, est une protestation virile, un hymne au libre choix amoureux, sinon sexuel. Les hommes acceptent mal ce genre de liberté de la part des femmes et Don José lui retournera son « prends garde à toi », à la fin de l’opéra, en la tuant d’un coup de couteau. En dehors de la littérature proprement dite, lorsque la séduction féminine