La vie courante
Le mot palabre vient de l’espagnol « palabra » (parole). Le comportement indigène faisait croire aux conquistadors et explorateurs que les congolais très souvent réunis, ne tiraient rien d’autre de leurs discussions que des paroles sans effets. (Dalida « Paroles, paroles…»). Selon la tradition, la palabre est plus qu’une coutume de rencontre, manière de lier connaissance avec un interlocuteur, c’est une institution sociale où participe tout le village. Elle permet de régler un problème (matata) ou un contentieux sans que les protagonistes ne soient lésés. Dans sa forme originelle et coutumière, elle comprend une sorte de rituel tacite et réciproque matérialisé par une joute oratoire entrecoupée de chants, de remarques, de danses, où chacun a la possibilité d’épuiser ses arguments, sous la conduite d’un sage ou du plus ancien du village. La palabre a généralement lieu, à date et moment convenus, sous un arbre consacré appelé « arbre à palabre ». C’est une manifestation très simple et franche de l’esprit de démocratie, ouverte au su de tous.
Dans le film « Out of Africa », l’héroïne danoise essaye régulièrement mais vainement de convaincre un chef kényan Kikuyu d’envoyer les enfants de son village à l’école qu’elle vient de construire pour eux. Après maints et maints essais infructueux, le chef l’accoste un jour et, de deux coup de machette bien ajustés, taille une marque à hauteur de nombril sur un jeune arbre proche. « Voilà, tous les enfants plus petits que ce repère sont à toi, les autres sont à moi ». Chaque partie avait obtenu gain de cause, sans perdre la face. Le Chef savait que ce n’était qu’une question de temps. En choisissant un arbre en croissance, il savait également que la marque s’élèverait avec sa pousse et que, bientôt, il n’aurait plus d’enfants à sa disposition Qu’importe, l’honneur était sauf !
Aujourd’hui, le sens premier de palabre s’est malheureusement limité à une « discussion oiseuse ». Il a complètement perdu son contexte