La vieille qui graisa la main du chevalier
« Et ! Je comprends, dit la voisine. Ces gens-là veulent toujours qu’on leur graisse la patte et ils s’entendent comme larron en foire. Si tu arrives à graisser la patte au chevalier, il parlera au prévôt, et on le croira, lui. Le prévôt te rendra tes vaches. » La vieille rentre chez elle, elle est décidée. Elle prend un bon morceau de lard, elle attend le chevalier devant sa grande maison tout le temps qu’il faut. Lorsqu’il arrive, lorsqu’elle est sûre que c’est lui, là-bas, devant elle, qui pérore* avec ses courtisans les mains derrière le dos, elle s’approche doucement sans se faire voir et elle lui graisse largement les paumes. Le chevalier se retourne, il voit la vieille :
« -Mais, qu’est-ce que tu fais là, bonne femme ? lui dit-il. -Sire, je vous graisse un peu pour ravoir mes vaches, vous savez les deux vaches qui s’étaient égaillées*. Elles sont à moi. » Le chevalier n’est pas un mauvais homme, il éclate de rire :
« Ah ! la brave femme, dit-il. Tu n’as rien compris mais ça ne fais rien. Tu auras tes vaches, je te le promets ». L’histoire finit bien, mais elle vous rappelle quelque chose que vous avez déjà remarqué, probablement. Même pour qu’on reconnaisse ses droits, le pauvre doit souvent payer. Est-ce juste ? *prévôt :magistrat chargé de la police et de la justice par