Le bon filon de la philo
Décloisonner les champs du savoir, détricoter les frontières entre la sphère des idées, la science, la culture, l’art et la société, convier la philosophie à se confronter aux objets du quotidien, à parler du monde, de la vie, de l’amour, du sexe, en faisant usage de références culturelles insolites… Telle est la tâche que s’assignent désormais un certain nombre de philosophes, penseurs et intellectuels désireux de répondre à une « demande de sens » formulée par une part croissante du grand public. Se réclamant en particulier de Gilles Deleuze, ils entendent poursuivre le travail qu’il mena sur la « pop’philosophie », une expression forgée à l’origine pour désigner la démarche consistant à investir la culture populaire pour en proposer une approche philosophique.
Or, loin de former un champ de recherche et encore moins une discipline constituée — ce que revendiquent d’ailleurs ses tenants [1] —, celle-ci s’avère plutôt un concept fourre-tout associé à une mode intellectuelle. Et représente un filon éditorial, dans lequel se sont engouffrés des auteurs habitués des ondes radiophoniques et des plateaux de télévision, sollicités à l’envi par les médias pour commenter l’actualité ou débattre de sujets de société [2] — comme si le fait de posséder un diplôme de philosophie légitimait ce genre de prestations.
Située au croisement de la réflexion théorique, de l’analyse esthétique et peut-être surtout du marketing publicitaire, la « Semaine de la Pop Philosophie » qui s’est ouverte hier à Marseille en est pour ainsi dire la grand-messe. Son credo : « Il faut absolument être pop » [3]
Passé notamment par le film publicitaire avant d’officier comme « concepteur d’événements intellectuels », Jacques Serrano, le grand manitou du festival, a lancé