La guerre de J.M.G le Clézio
Les universitaires français, qui se sont engoués de Pierre Michon ou de Marie Ndiaye, sont en délicatesse avec Le Clézio. Le silence gêné qui a salué en 2008 le Prix Nobel de littérature et le discours du lauréat contraste singulièrement avec le soutien apporté à Claude Simon dans des circonstances analogues. Le Clézio est pourtant l’un des leurs, auteur d’un mémoire sur Michaux puis d’une thèse d’histoire, candidat (malheureux) au CNRS. Son œuvre satisfait aux critères d’éligibilité les plus actuels, avec sa forte composante autobiographique, son exterritorialité, l’attention aux opprimés et “dominés”, l’ombre portée des catastrophes du siècle. Pourtant il semble que quelque chose manque pour que se manifeste cette adhésion qui rend possible la construction d’une valeur littéraire: beaucoup s’accorderaient à dire qu’il s’agit d’un défaut de littérarité; mais il y a peut-être aussi un défaut de l’attention critique.
§2Je ne m’exempte nullement de ce point de vue. Face à la demande d’un étudiant je ne suis pas en peine d’arguments; mais la ferveur n’y est pas. Pour formuler cette réticence, je dirais que les livres de Le Clézio souffrent de la comparaison avec d’autres expériences littéraires dont ils semblent donner une version plus accessible, certes, mais aussi plus banale. Adam Pollo rappelle les clochards métaphysiques de Beckett; Le Livre des fuites pourrait être d’un Kerouac français; Le Rêve mexicain, outre qu’il reprend la relation de Bernal Diaz del Castillo, trouve sur son chemin l’expérience d’Artaud. Les êtres humains insubstantiels et douloureux que côtoient les protagonistes des premiers romans, ne sont-ils pas les frères des Meidosems ? L’étrangeté de la perception du monde, si frappante chez le “premier” Le Clézio, Michaux en avait donné une version à peine différente, et plus décisive. Quant au “second” Le Clézio, il est littérairement recentré, comme en témoigne le Prix Paul Morand décerné par l’Académie française à