Le fils du pauvre
Culture
La Cité des Roses Exhumé près d’un demi-siècle après son assassinat, un roman inédit (1) de Mouloud Feraoun nous rappelle que son œuvre littéraire fut aussi un combat politique. Elle demeure un révélateur des interrogations de l’Algérie d’aujourd’hui.
L’engagement par-dessus tout par Jean Pileur
L
’histoire est ainsi faite : en tous temps et lieux, émerge, au lendemain des grandes batailles pour la liberté et la dignité, une pléthore de faux résistants, qui se poussent du coude pour recueillir le fruit des sacrifices d’autrui et se hisser aux premiers rangs. Or, les véritables protagonistes des luttes nationales ne s’affirment que dans les affrontements, avant que la victoire ne s’annonce et au milieu des dangers. Ils se dressent avec courage, proclament leur engagement et le paient souvent au prix de leur vie. C’est dans cette catégorie de vrais patriotes que se situe l’Algérien Mouloud Feraoun. À travers ses divers écrits (romans, essais, recueils, correspondance, journal), il a affirmé son identité et ses convictions, calmement et sans provocation. Ce courage tranquille ne l’a pas empêché de faire la part des sentiments, faisant de lui un écrivain qui, en transcendant les affrontements, manifeste l’universalité de la condition humaine.
◗ Algérie algérienne Dans son roman posthume, il raconte le parcours d’un instituteur, devenu directeur d’école à l’âge mûr. Après des années passées dans le bled, le voilà nommé responsable d’un nouvel établissement dans une pauvre banlieue algéroise, encore engluée dans la gestation du préfabriqué où elle naît. Nous sommes à la fin des années 1950 et la France est tenaillée entre, d’une part, une insaisissable insurrection algérienne, qu’elle ne parvient
pas à réduire, et, de l’autre, par des colons, exigeants avec la métropole, méprisants à l’égard des « indigènes » et sûrs de leur bon droit. La tension est d’autant plus forte que le héros du roman, bien qu’Algérien, se trouve à la tête d’un