Le monde diplomatique
Marshall nostalgie
PAR IGNACIO RAMONET
IL y a cinquante ans, le 5 juin 1947, dans un discours à l'université Harvard, le général George Marshall, secrétaire d'Etat américain et principal conseiller du président Harry Truman (démocrate), définissait les bases de son célèbre “ European Recovery Program ” (“ Programme pour la reconstruction de l'Europe ”), que l'histoire devait retenir sous le nom de “ plan Marshall ”.
La détresse et la désolation, au sortir de la seconde guerre mondiale, régnaient en Europe. Partout, misère, chômage, faim et prostitution ; les sans-logis et les réfugiés se comptaient par millions. “ Notre devoir, déclara alors le président Truman, est d'aider les peuples libres à travailler à leur propre destinée selon leur propre voie. Je crois que notre aide doit être d'abord économique et financière, essentielle à la stabilité économique et à l'ordre politique (1). ”
C'est à ce projet que répondait le discours du général Marshall : “ Recontruire l'Europe, dira-t-il, c'est défendre une certaine forme de civilisation qui nous est commune. ” Et il ajoutera : “ Notre politique n'est dirigée contre aucun pays ni doctrine, mais contre la faim, la pauvreté, le désespoir et le chaos (2). ” En effet, l'aide s'adressait à tous les Etats d'Europe ayant subi la guerre (à l'exception de l'Espagne franquiste), y compris l'Union soviétique et les pays de l'Est. Mais Staline la refusa et entraîna dans son refus les Etats d'Europe orientale. Les partis communistes s'alignèrent sur Moscou pour également combattre cette aide.
Quelles qu'aient été les arrière-pensées politiques de Washington, il apparaît évident, avec le recul, que l'aide Marshall fut un acte de très grande solidarité. Il constitue, indéniablement, un modèle de coopération internationale audacieuse, par son ampleur comme par sa méthode. Il permit l'expansion du commerce intra- européen, poussa à l'intégration économique et constitua