Le rivage des syrtes
Analyse de texte (pp. 199-201)
Introduction
Comme nous l’annonce Gracq au début du chapitre dans lequel se trouve notre passage, l’extrait que nous allons étudier se situe à un moment capital de l’œuvre : après avoir embarqué sur le Redoutable, Aldo, notre héros-narrateur, part en direction des côtes du Farghestan dans le dessein de franchir la limite assignée habituellement au parcours des patrouilles. Lors du récit du voyage, quelque peu avant la transgression de la limite, Aldo se retrouve dans la cabine de Marino, méditant sur cette tentation sans remède que représente le Farghestan, un « au-delà fabuleux d’une mer interdite », lorsque le récit se trouve interrompu par un deuxième récit. Ce second récit est précisément l’extrait sur lequel va porter notre analyse.
Comme nous le révèlent certains indices, notre passage exerce la fonction de prolepse (en langage narratif) dans notre récit, c’est-à-dire que le narrateur informe le lecteur dans le récit présent, de ce qui adviendra plus tard. En plus de nous révéler la fin tragique de l’œuvre de Gracq, le lecteur découvre dans cet extrait un regard, qui est alors marqué par l’Histoire et ses conséquences. Cet extrait révélateur fait ainsi « peser sur le récit un certain poids destinal »[1]. L’objet de notre analyse portera donc sur ce nouveau regard dans un premier temps. Puis dans une deuxième partie de l’analyse, nous nous pencherons sur les conséquences de ce passage au niveau du lecteur. Nous tenterons ainsi de déterminer l’horizon d’attente du lecteur.
L’identité d’un nouveau regard
L’identité de ce nouveau regard apparaît au travers du procédé de la prolepse. Celle-ci se laisse deviner au travers des deux éléments soulignés, lorsque le narrateur affirme :
« Quand le souvenir me ramène – en soulevant pour un moment le voile de cauchemar qui monte pour moi du rougeoiement de ma patrie détruite – à cette veille où tant de choses ont tenu en suspens