Le roi se meurt le final
Publication: 1912 Source : Livres & Ebooks
Seigneur, c’est aujourd’hui le jour de votre Nom, J’ai lu dans un vieux livre la geste de votre Passion Et votre angoisse et vos efforts et vos bonnes paroles Qui pleurent dans un livre, doucement monotones. Un moine d’un vieux temps me parle de votre mort. Il traçait votre histoire avec des lettres d’or Dans un missel, posé sur ses genoux, Il travaillait pieusement en s’inspirant de Vous. À l’abri de l’autel, assis dans sa robe blanche, Il travaillait lentement du lundi au dimanche. Les heures s’arrêtaient au seuil de son retrait. Lui, s’oubliait, penché sur votre portrait. À vêpres, quand les cloches psalmodiaient dans la tour, Le bon frère ne savait si c’était son amour Ou si c’était le Vôtre, Seigneur, ou votre Père Qui battait à grands coups les portes du monastère. Je suis comme ce bon moine, ce soir, je suis inquiet. Dans la chambre à côté, un être triste et muet Attend derrière la porte, attend que je l’appelle ! C’est Vous, c’est Dieu, c’est moi, - c’est l’Éternel. Je ne Vous ai pas connu alors, - ni maintenant. Je n’ai jamais prié quand j’étais un petit enfant. Ce soir pourtant je pense à Vous avec effroi. Mon âme est une veuve en deuil au pied de votre Croix ;
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Mon âme est une veuve en noir, - c’est votre Mère Sans larme et sans espoir, comme l’a peinte Carrière. Je connais tous les Christs qui pensent dans les musées ; Mais Vous marchez, Seigneur, ce soir à mes côtés. Je descends à grands pas vers le bas de la ville, Le dos voûté, le coeur ridé, l’esprit fébrile. Votre flanc grand-ouvert est comme un grand soleil Et vos mains tout autour palpitent d’étincelles. Les vitres des maisons sont toutes pleines de sang Et les femmes, derrière, sont comme des fleurs de sang, D’étranges mauvaises fleurs flétries, des orchidées, Calices renversés ouverts sous vos trois plaies. Votre sang recueilli, elles ne l’ont jamais bu. Elles ont du rouge aux lèvres et des dentelles au