le serpent qui danse
Que j'aime voir, chère indolente, De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante, Miroiter la peau !
Sur ta chevelure profonde Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde Aux flots bleus et bruns,
Comme un navire qui s'éveille Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille Pour un ciel lointain.
Tes yeux où rien ne se révèle De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se mêlent L’or avec le fer.
A te voir marcher en cadence, Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse Au bout d'un bâton.
Sous le fardeau de ta paresse Ta tête d'enfant
Se balance avec la mollesse D’un jeune éléphant,
Et ton corps se penche et s'allonge Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge Ses vergues dans l'eau.
Comme un flot grossi par la fonte Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de bohême, Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème D’étoiles mon cœur !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal Le Serpent qui danse est un poème lyrique de Charles Baudelaire paru dans le recueil de poèmes Les Fleurs du mal en 1857. Il s'agit d'un poème en quatrains à rimes croisées, divisé en neuf strophes. Charles Baudelaire y évoque sa maîtresse Jeanne Duval. Plusieurs auteurs-compositeurs-interprètes ont mis en musique ce poème :
Léo Ferré en 1957, dans l'album Les Fleurs du mal
Serge Gainsbourg en 1962, dans l'album Bonnie and Clyde
François Feldman en 1991
Dode en 2009