Les fables de la fontaine

374 mots 2 pages
Un Homme qui s'aimait sans avoir de rivaux

Passait dans son esprit pour le plus beau du monde : Il accusait toujours les miroirs d'être faux, Vivant plus que content dans son erreur profonde. Afin de le guérir, le Sort officieux Présentait partout à ses yeux

Les conseillers muets dont se servent nos Dames ;
Miroirs dans les logis, miroirs chez les Marchands, Miroirs aux poches des Galants, 
 Miroirs aux ceintures des femmes. Que fait notre Narcisse ? Il se va confiner

Aux lieux les plus cachés qu'il peut s'imaginer,
N'osant plus des miroirs éprouver l'aventure. Mais un canal formé par une source pure, Se trouve en ces lieux écartés : Il s'y voit, il se fâche ; et ses yeux irrités Pensent apercevoir une chimère vaine. Il fait tout ce qu'il peut pour éviter cette eau.
 Mais quoi, le canal est si beau
 Qu'il ne le quitte qu'avec peine.
 On voit bien où je veux venir Je parle à tous ; et cette erreur extrême Est un mal que chacun se plaît d'entretenir.

Notre âme c'est cet Homme amoureux de lui-même ;
Tant de miroirs, ce sont les sottises d'autrui,
Miroirs, de nos défauts les peintres légitimes ; Et quant au canal, c'est celui Que chacun sait, le livre des Maximes.

Un homme qui s'aimait sans avoir de rivaux: Voir Horace « Quin sine rivali teque et tua solus amares. » (« Art poétique », vers 444).
Officieux: Qui rend des services, de bons offices.
Les conseillers muets: Les miroirs. Il s’agit d’une métaphore empruntée aux Précieuses.
Galand: Au XVIIème, s’écrit avec t ou d. Vaugelas proposait d’écrire « galand » pour un « gaillard un peu fripon» et « galant » pour celui « qui fait sa cour ». A propos de cette mode du miroir à la ceinture des hommes, René le Pays n’écrit-il pas « Je gage, madame, que pendant les deux heures qu’il fut avec vous, il tira pour le moins six fois son petit miroir de poche. » «Amitiés, amours et amourettes », livre III, lettre 23).
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