Les jardins naissent
Jean-Euphèle Milcé vient de sortir le roman de l’après séisme. Tout se passe comme si le jeune romancier voulait nous sortir des décombres à travers un imaginaire florissant. Une opération audacieuse paru justement aux Editions Coups de Tête et qui sera bientôt dans les bacs à Port-au-Prince. Le titre inspire et fait rêver : « Les jardins naissent ».
L’histoire se déroule en partie dans la tête d’une jeune coopérante. Marianne, qu’elle s’appelle, et de tempérament, elle ne supporte nullement la bride au cou que constituent toutes ces règles imposées par son organisation caritative qui veut protéger les expatriés des malheurs qui accablent ce pays. Elle supporte encore moins la froide arrogance de sa cheffe-infirmière, réglée comme du papier à musique, honorable gestionnaire de « l’industrie » humanitaire, une femme sans cœur qui ne connait pas « la religion de la coexistence ».
Elle est venue dans cette ville de Port-au-Prince soufflée par le séisme, pour aider, non pour assister au spectacle tragique et silencieux de la mort en direct. Marianne promène son désœuvrement d’assistante humanitaire dans les rues encombrées de la ville. Dans le dédale de nos corridors où grouille tant de vies en un mouchoir d’espace, où s’invente le monde à chaque minute, où la vie joue à la marelle, où l’art total et libre refuse les clichés de musée, celle qui venait d’ ailleurs revendique un nouvel humanisme.
Si elle est impuissante devant l’ampleur des malheurs et la lenteur exaspérante de la reconstruction, elle ne veut guère rester indifférente à toute cette pâte humaine malaxée et chauffée au four solaire d’un pays mythique même dans les dimensions bibliques de sa destruction. Marianne ne veut pas être une humanitaire « compétente » bardée de diplômes qui transite dans le « couloir de la mort », rien que pour avoir des choses à raconter à sa progéniture, comme d’ autres aimaient raconter, jadis, dans les conversations de