Les mots et les choses

2283 mots 10 pages
Le seuil du classicisme à la modernité (mais peu importent les mots eux-mêmes - disons de notre préhistoire à ce qui nous est encore contemporain) a été définitivement franchi lorsque les mots ont cessé de s’entrecroiser avec les représentations et de quadriller spontanément la connaissance des choses. Au début du XIX° siècle, ils ont retrouvé leur vieille, leur énigmatique épaisseur ; mais ce n’est point pour réintégrer la courbe du monde qui les logeait à la Renaissance, ni pour se mêler aux choses en un système circulaire de signes. Détaché de la représentation, le langage n’existe plus désormais, et jusqu’à nous encore, que sur un mode dispersé : pour les philologues, les mots sont comme autant d’objets constitués et déposés par l’histoire; pour ceux qui veulent formaliser, le langage doit dépouiller son contenu concret et ne plus laisser apparaître que les formes universellement valables du discours ; si on veut interpréter, alors les mots deviennent texte à fracturer pour qu’on puisse voir émerger en pleine lumière cet autre sens qu’ils cachent ; enfin il arrive au langage de surgir pour lui-même en un acte d’écrire qui ne désigne rien de plus que soi. (…)
La grande tâche à laquelle s’est voué Mallarmé, et jusqu’à la mort, c’est elle qui nous domine maintenant ; dans son balbutiement, elle enveloppe tous nos efforts d’aujourd’hui pour ramener à la contrainte d”une unité peut-être impossible l’être morcelé du langage. L’entreprise de Mallarmé pour enfermer tout discours possible dans la fragile épaisseur du mot, dans cette mince et matérielle ligne noire tracée par l’encre sur le papier, répond au fond à la question que Nietzsche prescrivait à la philosophie. Pour Nietzsche, il ne s’agissait pas de savoir ce qu’étaient en eux-mêmes le bien ou le mal, mais qui était désigné, ou plutôt qui parlait lorsque, pour se désigner soi-même, on disait Agathos, et Deilos pour désigner les autres. Car c’est là, en celui qui tient le discours et plus profondément qui

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