Les noces de cana
Paolo caliari, dit Veronese, les noces de Cana, 1563, huile sur toile, 677 x 994 cm. Peint pour orner le mur du réfectoire du monastère bénédictin de San Giorgio Maggiore à Venise.
Paradoxe d'un tableau qui séduit aujourd'hui par son faste, l'exubérance et la diversité de ses figures, apparaissant peu en phase avec les valeurs de ses destinataires, des moines bénédictins ayant fait le choix de se retirer du monde et de vivre dans le travail et la prière. On résoud d'ordinaire le paradoxe en évoquant l'audace, la liberté du peintre, qui se préoccuperait plus de sa liberté d'artiste, de ses inventions, de sa volonté de rendre compte du faste de son époque que de sa commande. On évoque aussi, sans trop savoir, la licence des moeurs rêgnant dans certains monastères vénitiens. Cependant, ce tableau n'a pas été critiqué d'un point de vue théologique, ni refusé par les moines. Nous avons donc affaire à une oeuvre capable de satisfaire des attentes, des regards très différents, à plus de quatre siècles d'intervalle. Comment ces différentes attentes sont-elles en même temps comblées ?
La gigantesque toile que Véronèse réalise en un an à l'aide de son atelier est une commande de la communauté bénédictine du monastère de San Giorgio Maggiore, un important monastère situé juste en face du palais ducal de Venise, dont les bâtiments sont alors en train d'être complêtement reconstruits sous la direction de Palladio. Elle doit occuper la totalité du mur du réfectoire des moines, d'ou le thème retenu, ainsi que la taille gigantesque de la toile. La commande fixe tous ces points ; elle précise aussi que le peintre pourra représenter autant de personnages qu'il est possible d'en mettre. Le tableau remplit la fonction d'une fresque mais sera réalisée à l'huile sur toile, du fait des contraintes d'humidité du lieu. Le peintre décide néanmoins de