Les êtres vivants sont-ils comme des machines ?
Les données du débat se sont modifiées depuis Descartes. D'une part, le courant spiritualiste, qui remonte à Aristote, s'est perpétué dans la science et la philosophie modernes sous la forme de ce qu'on appelle le vitalisme. Il consiste à attribuer la vie non pas à l'âme, mais à une force vitale, ou encore à un élan vital, comme le dit le philosophe Bergson (1859-1941).
Notons ici qu'il existe aussi une version récente du vitalisme, ou néovitalisme, qui suppose l'existence d'une « idée directrice », ou d'une finalité, immanente aux êtres vivants. Cette conception exprime le caractère étonnant des êtres vivants, dont les organes forment un tout, capable de se réparer, de s'adapter au milieu dans lequel ils vivent. Comme si l'organisation des êtres vivants correspondait à la réalisation d'un plan de la nature ; comme si la vie était orientée vers une perfection de plus en plus grande à travers le temps (qu'on pense à l'apparition progressive des formes supérieures de vie, celle des grands singes puis des hommes).
D'autre part, la théorie du vivant-machine ne revêt plus un caractère strictement mécanique comme chez Descartes. Demeure une explication matérialiste, qui explique que tous les phénomènes de la vie (de la première division de la cellule à la mort, en passant par la digestion, la pensée, etc.) et tous les organismes vivants ne sont rien d'autre que des systèmes physico-chimiques. Quant à l'adaptation des espèces à leur milieu, elle s'explique depuis Darwin par le principe purement mécanique de « la sélection naturelle » : la transmission du patrimoine génétique d'une espèce peut subir une modification. Si celle-ci s'avère mieux adaptée à son milieu que l'espèce ancienne, elle va peu à peu la remplacer, et l'ancienne espèce, disparaître.
Il n'est donc plus guère question d'âme chez les scientifiques, et l'on n'est plus mécaniste comme Descartes pouvait l'être. Mais on retrouve aujourd'hui la même fracture entre une conception