Mes divins anges, cette malheureuse veuve a donc eu la consolation de paraître en votre présence ; vous avez bien voulu l’assurer de votre protection. Vous avez lu sans doute les Pièces originales que je vous ai envoyées par M. de Courteilles ; comment peut-on tenir contre les faits avérés que ces pièces contiennent ? Et que demandons-nous ? Rien autre chose sinon que la justice ne soit pas muette comme elle est aveugle, qu’elle parle, qu’elle dise pourquoi elle a condamné Calas. Quelle horreur qu’un jugement secret, une condamnation sans motifs ? Y a-t-il une plus exécrable tyrannie que celle de verser le sang à son gré, sans en rendre la moindre raison ? Ce n’est pas l’usage, disent les juges. Eh ! monstres ! Il faut que cela devienne l’usage : vous devez compte aux hommes du sang des hommes. Le chancelier serait-il assez…pour ne pas faire venir la procédure ? Pour moi, je persiste à ne vouloir autre chose que la production publique de cette procédure. On imagine qu’il faut préalablement que cette pauvre femme fasse venir des pièces de Toulouse. Où les trouvera-t-elle ? Qui lui ouvrira l’antre du greffe ? Où la renvoie-t-on, si elle est réduite à faire elle-même ce que le chancelier ou le conseil seul peut faire ? Je ne conçois pas l’idée de ceux qui conseillent cette pauvre infortunée. D’ailleurs ce n’est pas seulement ce qui m’intéresse, c’est le public, c’est l’humanité. Il importe à tout le monde qu’on motive de tels arrêts. Le parlement de Toulouse doit sentir qu’on le regardera comme coupable tant qu’il ne daignera pas montrer que les Calas le sont : il peut s’assurer qu’il sera l’exécration d’une grande partie de l’Europe. Cette tragédie me fait oublier toutes les autres , jusqu’aux miennes. Puisse celle qu’on joue en Allemagne finir bientôt ! Mes charmants anges, je remercie encore une fois votre belle âme de votre belle