Margaret mead - le fossé des générations
Depuis les premières manifestations dans les universités américaines, en 1964, jusqu’à la Révolution culturelle chinoise en passant par les événements de mai 1968 en France, nous traversions une période amenant beaucoup de personnes à penser que la fin du monde était proche. Les explications données à cet état de choses ne manquaient pas : on accusait tour à tour la guerre du Vietnam aux États-Unis, de Gaulle et le problème de l’Algérie en France, la décomposition du système capitaliste, la montée du communisme, les conséquences de la Seconde Guerre mondiale qui avait frustré toute une génération d’Allemands, la société d’abondance, et les déceptions causées par l’évanouissement des espoirs révolutionnaires que certains avaient mis dans le mouvement américain pour les droits civiques. On se référait de plus en plus souvent à l’expression « le fossé des générations », que l’on retrouvait jusque dans les annonces publicitaires à la télévision !
En observant ce qui se passait et en étudiant les explications variées et souvent contradictoires qui en étaient données, je me suis souvenue du slogan politique employé lors de la campagne pour les présidentielles, en 1968, par le Sénateur Eugène McCarthy et paru en février dans le New York Times ; on voyait un groupe d’enfants, beaux et souriants, et le texte disait : « Vos enfants sont de retour » ce qui laissait espérer aux parents que le Joueur de flûte du conte ne les avait pas définitivement emportés. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à prendre conscience qu’il se passait quelque chose de radicalement nouveau dans le monde. Ce n’était pas d’un fossé des générations ordinaire qu’il s’agissait – il y en avait eu bien d’autres auparavant, entre certains groupes de parents conservateurs et leurs enfants – mais d’un phénomène qui méritait une majuscule, comme tout ce qui est exceptionnel : le Fossé des générations, un événement mondial, quelque chose qui ne s’était encore