Mission des enseignants
Philippe Meirieu
Professeur à l’université LUMIERE-Lyon 2
Une multitude de nouveaux problèmes et de nouvelles exigences…
À quand remontent les “ nouvelles missions ” de l’École ? Beaucoup s’accordent à placer le mouvement de bascule dans les années 60, au moment où s’impose le “ collège unique ” et où la demande sociale d’éducation croît de manière exponentielle. D’autres soulignent que c’est plutôt vers les années 80, quand émergent les nouveaux comportements de parents d’élèves qui, en devenant “ consommateurs d’école ”, font pression sur les enseignants et les établissements : c’est alors que se reconstituent, plus ou moins officiellement, les filières et que les écarts se creusent entre “ la bonne école ” et “ l’autre ”, celle où finissent toujours par arriver, un jour ou l’autre, “ les barbares ”.
D’autres, encore, pensent que les missions de l’École ont radicalement changé avec la crise économique, quand les enseignants n’ont plus été en mesure de promettre l’insertion économique et sociale à ceux qui consentaient à sacrifier une partie de leur jeunesse dans d’ingrates tâches scolaires. D’autres mettent en évidence l’accélération vertigineuse de l’histoire, le renouvellement rapide des savoirs et la nécessité de former les élèves à des capacités générales, dépassant la simple maîtrise de contenus disciplinaires. D’autres insistent sur l’inflation de l’information, la puissance de la télévision devant laquelle les enfants d’aujourd’hui passent plus de temps que devant leurs maîtres. D’autres, enfin, incriminent la démission des familles ou constatent que les déchirures du tissu social, en compromettant gravement la transmission des valeurs d’une génération à l’autre, rendent le métier d’enseignant infiniment plus difficile.
Tout cela est vrai et impose à l’École de grandes mutations : le maître ne peut plus y être le seul “ transmetteur ” du savoir ; il doit y