I L'étymologie grecque (theastai, regarder) montre que le théâtre est d'abord conçu comme un spectacle.
• Le théâtre peut exister sans même qu'il y ait d'écriture, uniquement par le jeu des comédiens : c'est ainsi que dans la commedia dell'arte les acteurs jouent sur un canevas, et improvisent à chaque représentation.
• L'auteur dramatique écrit souvent en pensant à une représentation de la pièce : Molière en est un exemple , qui écrit ses pièces en fonction des comédiens de sa troupe.
• L'écriture théâtrale crée des personnages, une situation : dans cette perspective, les dialogues, comme les didascalies, suggèrent à la fois une mise en scène et l'incarnation des personnages dans les acteurs ; par exemple, le mouvement, dans le théâtre de Marivaux, n'existe que par la représentation.

II Néanmoins, la seule approche visuelle ne rend peut-être pas compte de la complexité de l'oeuvre dramatique.
• La poésie de certains textes n'exige pas de représentation : par exemple, la musique d'un vers comme celui de Phèdre, « La fille de Minos et de Pasiphaé», existe en dehors de tout spectacle.
• Lire une pièce, c'est avoir la faculté de développer son imagination, c'est inventer une interprétation et une mise en scène sans se les voir imposer de l'extérieur : ainsi Marcel Proust, dans A la recherche du Temps perdu, évoque sa déception lors d'une représentation de Phèdre qui ne correspondait pas à l'image qu'il s'était créée.
• Si le déroulement du spectacle n'autorise pas à revenir en arrière, la lecture de la pièce peut permettre d'approfondir certains points : dans cette perspective, mieux que lors d'une représentation, une lecture précise peut permettre d'appréhender le personnage fuyant de Lorenzaccio dans l'oeuvre de Musset.

S'il est vrai que par nature, dans son écriture même ou dans son absence d'écriture, le théâtre est fait pour être vu, il n'en demeure pas moins que limiter dans connaissance d'une pièce à la représentation risque parfois d'en