Montesquieu et voltaire
Développant l’esprit critique par l’exercice de la raison, les philosophes des Lumières remettent en cause les certitudes acquises, les dogmes, les préjugés. Ils combattent l’intolérance et soumettent au libre examen, entre autres, la morale chrétienne en matière de religion et le despotisme en matière de politique. La condamnation de l’esclavage fait partie des abus que les philosophes contestent. Cette condamnation s’appuie sur la conviction du droit de chaque individu au bonheur, et surtout sur l’idée de relativisme déjà exprimée par Montaigne, et reproposée par les voyageurs et certains missionnaires dès la fin du XVIIe siècle. Leurs écrits montrent que les mœurs et les coutumes ne sont pas égales partout dans le monde, mais n’est pas une raison pour les considérer comme inférieures et sans valeur.
Montesquieu et Voltaire dénoncent tous les deux la pratique de l’esclavage, mais leur manière d’argumenter est très différente. Le premier use d’un procédé logique et ironique ; le deuxième vise à toucher le lecteur en mettant en scène un esclave et en lui donnant la parole. Peut-on dire que l’une est plus efficace que l’autre ?
I. Voltaire plus efficace que Montesquieu.
Le texte de Voltaire est un extrait de Candide. Il s’agit d’un texte narratif (un « conte philosophique »). La stratégie argumentative employée par le philosophe exploite donc deux des ressources principales de la narration : la description et le dialogue.
Voltaire met en scène directement le personnage de l’esclave, dont il décrit d’abord l’aspect extérieur: l’habit, les infirmités. Il donne à voir sa pauvreté et son malheur : le Noir est « étendu par terre, n’ayant plus que la moitié de son habit ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite », infirmités qui sont expliquées plus loin par l’esclave lui-même : « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ». L’aspect économique de l’esclavage est ainsi envisagé selon la perspective du Nègre