Nationalisme européen
L'ère qui s'ouvre après la construction de l'unité de l'Allemagne et celle de l'Italie diffère très sensiblement de la phase précédente sur trois points essentiels, selon l'historien du nationalisme Eric Hobsbawm. Tout d'abord, on a abandonné « le "principe de seuil" qui était au centre du nationalisme de l'ère libérale »: une nation ne pouvait être revendiquée qu'à partir d'un certain seuil, caractérisé par son étendue, sa population, la puissance de son économie. Désormais, de nombreux groupes se considérant comme des nations se mirent à revendiquer le droit à l'autodétermination, c'est-à-dire à un Etat souverain et indépendant. Ensuite, « l'ethnie et la langue devinrent le critère central et de plus en plus décisif, voire unique, d'une nation potentielle ». Enfin, troisième changement dont l'importance historique sera par la suite déterminante dans l'histoire de l'Europe, il se produisit « un brusque glissement vers la droite des thèmes de la nation et du drapeau », et ce fut alors que l'on inventa le terme de « nationalisme ».
Ce passage de l'ère des nationalités à des formes plus agressives et xénophobes trouve une partie de son origine dans l'inachèvement des unités du milieu du siècle. Des fractions des peuples allemand et italien, du moins considérées comme telles par leur communauté de langue, sont restées à l'écart, et leur rattachement fait rapidement l'objet d'un mouvement revendicatif organisé («irrédentisme» en Italie à propos de Trieste et du Trentin, rêve d'Anschluss avec l'Autriche germanophone du côté du Reich). Mais, au-delà, le sentiment national allemand prend vite une coloration «pangermaniste»: à partir de l'avènement de Guillaume II, il débouche sur des projets d'accroissement territorial à l'est (l'un des principaux buts de guerre en 1914-1918 et en 1939-1945), et outre-mer. En France, la nostalgie des «provinces perdues» en 1870 (l'Alsace-Lorraine) est très vite à l'origine d'un culte