Pantomime de diderot
La « pantomime » selon Diderot Le geste et la démonstration morale1
1. Diderot et le langage gestuel On a souvent remarqué le caractère fortement visuel de l’imagination de Diderot2, bien que la notion d’imagination signifie en elle-même la faculté de se représenter des images des objets dans l’entendement. L’imagination définie par Diderot est une faculté sensitive nécessaire non seulement pour être poète ou philosophe, mais encore et surtout pour équilibrer les fonctions de l’esprit de l’homme, en liant les idées abstraites, conçues par son intellect, aux représentations des réalités sensibles auxquelles elles se réfèrent. Dans sa fonction, l’imagination s’oppose à la mémoire, qui ne rappelle que des mots abstraits3. Diderot appelle l’imagination « l’œil intérieur » et lie sa fonction au mécanisme physiologique de la perception visuelle4. Ainsi, selon lui, lorsqu’on aperçoit un arbre, le mouvement du champ de l’œil procède d’une partie de l’arbre à une autre, incapable d’embrasser sa totalité en une seule fois. C’est seulement après des expériences réitérées qu’on arrive à relier chaque partie de l’arbre à une autre en formant son image totale. De même, l’imagination ne peut créer une image totale de l’arbre que successivement, bien que la rapidité de la succession de ces images fasse oublier dans l’expérience quotidienne le caractère successif de la formation de l’image mentale5.
1. Le présent article fait partie de la thèse de doctorat sur Diderot que nous avons soutenue le 24 juin 1999 à l’Université Paris VIII (Hisashi Ida, Genèse d’une morale matérialiste : les passions et le contrôle de soi chez Diderot). 2. Diderot avoue lui-même que les peintres ont confirmé le caractère exceptionnellement pictural de son imagination. (Diderot, Salon de 1767, in Œuvres complètes, éd. Roger Lewinter, Paris, Le Club français du livre, 1969-1973, t. VII, p. 104. Toutes les citations de Diderot dans le présent article seront tirées de cette édition.) Diderot