Peut-il y avoir des lois de l'histoire ?
Introduction
« Le choc des civilisations » de S. Huntington développe la thèse d'une évolution des conflits entre nations : non plus justement entre des nations pour des motifs idéologiques, mais entre civilisations pour des motifs culturels, voire religieux. Si c'est une loi de l'histoire, nous la subirons de plein fouet. Inversement, à trop répéter qu'il en ira ainsi, ne va-t-on précipiter des choses qui auraient pu sans cela se produire autrement ? La question est donc de savoir si le principe même de lois de l'histoire peut être avancé, au même titre que les lois de nature par exemple. Cela semble en effet nier toute liberté et possibilité pour l'être humain d'agir sur son présent, quoique inversement les actions du présent semblent bien conditionnées par ce que les générations passées nous ont légué. Peut-on sans contradiction associer loi et histoire, peut-on sans danger vouloir agir sur ses lois supposées présentes ? Dans une première partie, nous établirons l'apparente contradiction entre les deux termes, pour ensuite mettre à jour la possibilité de repérer des évolutions ordonnées dans le processus historique humain. À charge ensuite de déterminer s'il s'agit de lois à part entière.
I. L'histoire est faite d'événements
1. Le singulier et le général
Pour établir la présence de lois, il faut repérer des constantes générales de causalité ou de cycle derrière des événements a priori dissemblables. La loi de la chute des corps montre la même force et les mêmes paramètres pour tous les types de chutes. En histoire, c'est l'inverse : la chute du Mur de Berlin, ou la chute de l'Empire romain sont des événements bien singuliers qu'aucune loi ne peut rassembler.
Le but des historiens est de rendre compte d'une période donnée, ou de retracer la vie et les actions d'un grand personnage historique. À chaque fois, c'est la singularité de l'objet étudié qu'il s'agit de restituer, même pour deux événements ou deux phases