Peut-on concevoir une liberté sans loi ?
On connaît la fameuse sentence d’Ivan Karamazov dans l’ouvrage de Dostoïevski : « Si Dieu n’existe pas, tout est permis ». On pourrait y faire remonter le topos anarchisant « Ni Dieu, ni maître ». Sur cette voie, un secret désir semble étreindre le cœur de l’homme et attendre le moment où il pourra s’avancer, levant haut l’étendard d’une liberté absolue, d’une liberté sans foi, ni loi. Mais l’homme est un être retors, fait d’un bois si courbe que toujours il se soumet à l’autorité d’un autre pour mieux couver en son fond le songe inavoué d’une indépendance absolue. Or que pourrait signifier une telle absoluité ? N’est absolument libre que celui qui ne se soumet à aucune loi, ni politique, ni même rationnelle, car il reconnaîtrait encore ici un impératif extérieur. Défiant la logique, une liberté absolue serait une liberté indéterminée. Mais qu’existe-t-il dans l’être qui ne soit situé, et par là-même déterminé à occuper une place ? Quand bien même elle se pose par soi, la liberté doit se réaliser. Et n’est-ce pas là acquiescer à une réalité qui soit déjà présente, prête à l’accueillir ?
Aussi convient-il, avant même de se demander si une liberté peut exister moralement ou politiquement sans une loi qui la contienne, si une telle idée est elle-même représentable. Construisant le concept de liberté y découvrirait-on la loi, comme contenue analytiquement en lui ? Ou bien est-ce qu’une trop vieille habitude de soumission nous pousse à concevoir comme nécessité d’essence le simple produit d’une synthèse arbitraire ? Reprenons la formule cartésienne à propos de la dualité du corps et de l’âme : ce qui peut être ôté d’un sujet sans que ce dernier ne disparaisse en est un accident et n’appartient pas à son essence. Appliqué au problème de la liberté cet axiome nous enjoint à poser la question suivante : en quel sens la loi est une condition de possibilité de la liberté ?
S’interroger sur le rapport de la liberté à