Pour La Science N 341 Sur Un Air De Fl Te
13/02/06
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Idées
de
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physique
Sur un air de flûte
L’instabilité des jets d’air est parfois utile : elle est au cœur de la production des sons dans les orgues et les flûtes.
P
On pourrait croire que ce biseau aurait pour effet de diviser le jet d’air en deux, dans le sens de l’épaisseur. Des prises de vue réalisées en mêlant de la fumée à l’air ont montré qu’il n’en est rien. Le jet garde son intégrité et, telle une anche vibrante, il effectue des oscillations qui le font passer périodiquement de part et d’autre de l’arête du biseau, ce qui s’accompagne de tourbillons. En raison de cette turbulence, une partie de l’énergie du jet d’air se retrouve sous la forme d’ondes acoustiques, perçues comme un son dont la hauteur correspond à la fréquence des oscillations du jet de part et d’autre du biseau.
On retrouve un phénomène similaire dans des situations plus familières, tels le sifflement du vent à travers les lignes électriques ou le son produit lorsqu’on souffle sur un bout de papier. L’un des précurseurs de l’étude du « son de biseau » fut l’abbé Carrière de Toulouse, dont les travaux avaient contribué à montrer que le bruit du fouet est un bang supersonique. Ses expériences effectuées en 1925 ont prouvé qu’un son n’apparaît que si la vitesse du jet dépasse un certain seuil. Ensuite, lorsqu’elle augmente, la fréquence des oscillations s’accroît peu à peu, puis le son passe brusquement d’un son grave à un son plus aigu, et ainsi de suite. Comment expliquer cela ?
Lord Rayleigh a montré, dès 1894, qu’un jet d’air est fondamentalement instable : la moindre perturbation du jet s’amplifie exponentiellement le long de la direction de propagation jusqu’à le rendre turbulent et tourbillonnaire (même si l’écoulement était régulier au départ). Il suffit de se pla-
our produire une note, le trompettiste fait vibrer ses lèvres, le clarinettiste une anche de roseau et le violoniste une corde. Qu’en est-il du flûtiste ou de l’organiste ?